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Bulletin N°34 – Mai-Juin 2016

par Cedric Genet

Bulletin N°34 – Mai-Juin 2016

Brèves

L’Europe tremble ?

L’Europe s’apprête à affronter un début  d’été très politique et potentiellement décisif avec de nombreuses élections plus délicates les unes que les autres. Si l’Autriche a fini, à 30 000  voies près, par pencher du côté le plus républicain et éviter le choix populiste, il s’en est fallu de peu et l’Autriche aurait pu demander sa sortie de la zone Euro, comme le prévoyait le programme de l’extrême droite. La crise des réfugiés syriens est venue polluer le débat public au point que les tentations populistes, les envies de fermetures de frontières et d’isolement, ont failli gagner un pays pourtant sans grandes difficultés apparentes.

Avec 9 millions d’habitants, l’Autriche a l’un des revenus par habitant les plus  élevés  d’Europe, un taux de chômage de seulement 5% et une croissance de 1.6% l’an dernier. Bref tout pour être heureuse en comparaison de nombre de ses camarades européens. Cette tentation populiste et de fermeture se retrouve partout en Europe et est probablement un défi plus important pour l’Europe que celui de 2011 qui constituait à sauver l’Euro. La Grèce a eu Syrisa, l’Espagne, sans gouvernement depuis 6 mois, a Podemos,  la France voit la montée significative du Front National et l’Allemagne n’est pas en reste.

Enfin, à cela s’ajoute la fameuse question Anglaise, que les mondes politiques et économiques redoutent tant : le Royaume-Uni va- t-il rester membre de la communauté européenne ?

Ajoutez à cela des élections espagnoles 3 jours après le vote anglais et vous offrez aux dirigeants européens un joli cocktail estival qui pourrait bien nous donner la gueule de bois. Si en 2011, nous étions convaincus que la Zone Euro ne pouvait pas exploser, nous serions moins sereins si les élections des mois à venir portaient les partis populistes et la tentation de l’isolement et du retour en arrière au pouvoir.

Le Brexit dans tous les esprits

L’ensemble des acteurs financiers et économiques garde un œil chaque jour sur les parutions des nouveaux sondages au Royaume-Uni et à un mois du vote l’incertitude demeure. Les partisans du « in » et les partisans du « out » sont au coude à coude, environ 45% des intentions de vote de chaque côté, mais la campagne fait rage pour convaincre les 10% d’indécis. Car c’est bien un enjeu majeur pour le Royaume-Uni, pour l’Europe mais aussi pour le reste du monde. Barack  Obama a improvisé un passage à Londres pour déclarer qu’il ne pouvait pas imaginer que le Royaume-Uni se retire de l’Europe et se coupe ainsi du reste du monde, expliquant clairement qu’en cas de sortie, les Etats-Unis auraient un comportement pragmatique et que le marché européen était pour eux essentiel. Même la Chine, habituellement très discrète en matière diplomatique, a déclaré qu’elle souhaitait un maintien du Royaume de Sa Majesté dans la communauté européenne. La menace est assez claire pour que les partisans du maintien jouent sur les peurs de la récession en cas de sortie.     Le Trésor a publié un rapport précisant que la perte  de  PIB  serait  d’environ  6%  d’ici  2030   et que la perte financière pouvait se chiffrer à environ 4 300 £ par an et par habitant. L’activité économique a déjà été impactée depuis le début de l’année à la perspective de ce referendum. La livre sterling a perdu jusqu’à 30% de sa valeur  par rapport à l’euro en début d’année même si elle s’est en partie reprise depuis. Les embauches ont été gelées, l’activité immobilière et le crédit tournent au ralenti, et nombre de sociétés de la City ont prévu un plan de déménagement sur Paris en cas de sortie. Mais bizarrement les marchés financiers restent assez calme, comme  si personne ne voulait y croire, considérant qu’au dernier moment les indécis auraient peur et voteraient pour le maintien. Espérons que dans l’isoloir ils auront une pensée pour celui qui fut le plus pro-européen des sujets de Sa Majesté : Sir Winston Churchill.

Pendant ce temps là… le monde change

La  France  cède   à   nouveau   du   terrain   face  à ses concurrents européens en termes d’attractivité économique. Le nombre de projets d’investissements étrangers dans l’Hexagone a reculé de 2 % l’an passé alors que dans le même temps, en Europe, ils ont nettement progressé (+14 %). Mais pas de panique, la CGT va tout arranger !!!

Un magnat immobilier sera candidat à l’élection présidentielle américaine du 8 novembre prochain. Candidat jugé encore loufoque en janvier, Donald Trump a écrasé la primaire républicaine et est désormais assuré de se retrouver face à Hillary Clinton en novembre prochain. Il n’y a pas qu’en Europe que la tentation de la fermeture des frontières existe.

Perspectives économiques et financières

Depuis plusieurs années maintenant l’économie mondiale se porte bien, car, malgré quelques inquiétudes passagères, les niveaux de croissance sont restés soutenus jusqu’alors. Mais de nombreuses menaces pèsent désormais sur la croissance de l’économie mondiale et les chiffres le prouvent. Pour l’ensemble des pays développés les révisions de croissance sont à la baisse et la situation des pays émergents n’est guère meilleure. Seule l’Europe du Sud (Espagne, Italie, France) qui rattrape quelque peu son retard, et l’Inde, sont des pays dont la croissance s’améliore, ce qui est bien peu. Quelles sont les raisons qui pèsent sur le potentiel de croissance :

  • Le niveau de l’endettement public et privé limite les dépenses d’investissement ce qui limite les gains de productivité et commence à réduire la consommation, qui ne reste soutenue que grâce à la baisse des taux de crédit, donc à une accumulation d’endettement.
  • La hausse des inégalités en termes de revenus et de patrimoine exacerbe la tendance massive à épargner au niveau mondial y compris dans des pays peu habitués à l’épargne comme les Etats-Unis.
  • Le phénomène d’hystérésis : un ralentissement cyclique prolongé, provoqué par le chômage de longue durée qui affecte le capital humain, et qui ne parvient pas à être compensé par les investissements qui eux-mêmes sont freinés par le manque de
  • L’absence de réformes structurelles pour des questions de coût et/ou pour des raisons politiques ralentit l’évolution des modèles qui perdent leur capacité d’adaptation à la nouvelle donne économique
  • Le désendettement et la réduction des déficits massifs est un processus douloureux qui suppose une baisse des dépenses publiques et privées et une augmentation de l’épargne. Ce processus a commencé aux Etats-Unis dès 2009, il a ensuite gagné l’Europe et il s’étend maintenant aux pays émergents.

Les politiques monétaires ont également contribué à coincer l’économie mondiale dans cet environnement sans perspective. Certes, il faut réduire rapidement et efficacement un surendettement insoutenable pour éviter un processus de désendettement qui traînerait pendant une décennie ou même plus, mais il sera tout aussi difficile de mettre fin aux mesures monétaires non orthodoxes qui favorisent cet endettement. La Réserve Fédérale américaine l’a montré, en faisant savoir que la normalisation des taux d’intérêt sera plus lente que ce qui était attendu, bien que les risques d’emballement du crédit aux US existent. De même, des réformes structurelles et des réformes en faveur de libéralisation du marché du travail sont nécessaires pour améliorer la croissance potentielle. Mais compte tenu de leur coût préalable et de leurs bénéfices tardifs, ces réformes sont impopulaires dans les économies qui sont déjà en phase de ralentissement comme en France. Le FMI et les Chinois ont respectivement qualifié la situation des pays développés de « nouvelle médiocrité » et de « nouvelle normalité ». Mais il ne faut pas s’y tromper : il   n’y a rien de normal ou de satisfaisant dans des résultats économiques qui accroissent les inégalités, et dans bien des pays suscitent une réaction populiste (à gauche comme à droite) contre le commerce, la mondialisation, les migrations, l’innovation technique et les mesures favorables aux marchés.

Nos convictions

Dans un contexte de taux bas, proche de zéro dans de nombreuses zones, il est difficile d’envisager de réaliser des performances positives sans investir soit sur les actions, soit sur les matières premières soit sur les évolutions de parité de change. De ces trois classes d’actifs, les actions sont de loin les moins risquées. En effet, le marché des matières premières est très instable et si le pétrole est remonté et semble vouloir se stabiliser entre 45 et 50 $ le baril,  toutes les autres matières premières ne nous semblent pas avoir fini leur baisse, qu’il s’agisse de matières premières agricoles, ou minières. L’investissement sur les évolutions de parité nous semble aujourd’hui très délicat : les variations sont extrêmement violentes et erratiques, et souvent liées à de simples rumeurs ou déclarations sans concertation. Si nous sommes assez convaincus qu’à long terme la parité Euro-Dollar baissera à nouveau nous préférons ne pas trop exposer les portefeuilles sur ce support pour le moment. Il reste alors les actions. Sur ce terrain nous observons deux changements majeurs depuis quelques semaines et dont l’ampleur devrait s’accentuer. Si les grands indices boursiers bougent peu, nous remarquons de profonds changements au sein de ces indices. En effet, la plupart des entreprises dont les valeurs boursières ont fortement été poussées à la hausse ces dernières années commencent à baisser, alors que les valeurs qui avaient été abandonnées par les investisseurs reprennent des couleurs. Par exemple, les banques, dont plus personne  ne semblait  vouloir  il y a encore trois mois, sont les plus fortes progressions de ces dernières semaines. En février nous avions indiqué que les marchés ne pourraient plus évoluer positivement si les banques continuaient à être délaissées et nous vous avions invité à renforcer ces positions. Nous maintenons notre préconisation. Seconde observation, les valeurs qui distribuent beaucoup de dividendes, ou qui ont annoncé une croissance de leurs dividendes, réalisent  également de bons parcours boursiers et nous pensons que ce phénomène va s’amplifier avec l’absence de rendement du monde obligataire. Sur le front des obligations justement, certaines zones ou certains secteurs d’activité sont à fuir : activité industrielle liée aux matières premières, grandes entreprises et pays de la zone Euro ou Japon sont dans ce cas. Cela en  raison  de  rendements  très  faibles et de risque de hausse des taux que nous continuons à anticiper à travers des produits à sensibilité négative. Mais il est intéressant de voir que les obligations des entreprises émergentes, des petites entreprises américaines, ou encore mieux des entreprises non cotés françaises, offrent des rendements tout à fait satisfaisants et que leur place reste entière dans les portefeuilles.La classe d’actif immobilière en France reste un mystère pour nous. Les transactions se redynamisent sous l’effet de nouvelles baisses de taux mais les prix bougent peu et restent selon nous soutenus sur des niveaux élevés par des taux trop bas. En cas de hausse des taux, dont la date est bien difficile à déterminer, nous restons convaincus que les prix immobiliers ne pourront que baisser (lire Focus 1).

Focus

L’immobilier vit sous perfusion

Nombre de professionnels de l’immobilier sont unanimes: les prix de l’immobilier en France seraient uniquement tenus à court terme par la baisse des taux de crédit. Sans cela, les prix seraient en baisse significative depuis le début de l’année.

Selon le site d’information Meilleur Agents sur l’immobilier, « Alors que la demande reste faible, les taux d’intérêt soutiennent une hausse artificielle des prix limitée aux zones les plus dynamiques : Paris, petite couronne et quelques  grandes  villes  de  province  (…).  La  baisse  de -0,5% des taux depuis le 1er janvier 2016 a généré mécaniquement +4% de pouvoir d’achat. On peut donc légitimement estimer que, la demande étant stable, les prix auraient diminué de -2 à -5% depuis le début de l’année si les  taux  n’avaient  pas  baissé  ».  Or,  depuis  le début de l’année, on  observe  une  hausse  des  prix  de l’immobilier de « +1,1% à Paris, +0,8% en petite couronne, +1,0% à Lyon et jusqu’a +1,5% à Bordeaux ».

Ce discours que nous partageons totalement, tranche avec le vent d’optimisme qui souffle sur le marché immobilier  depuis  le  début  de  l’année  :  jusqu’alors, la hausse des prix de l’immobilier observée en France depuis le début de l’année était saluée comme une « reprise ». Par ailleurs, la faiblesse des taux ne bénéficie pas à tout le monde : les banques ne peuvent prêter qu’aux ménages les plus solvables. La demande reste donc trop faible (1,3 acheteur pour 1 vendeur à Paris) pour stimuler les prix durablement à la hausse. La reprise saine et durable du marché immobilier reste conditionnée à l’amélioration de la situation économique générale mais cette amélioration conduira à une hausse des taux. Tout cela pousse donc davantage à l’attentisme qu’à l’excès de confiance dans la solidité du marché immobilier français.

L’immobilier professionnel voit lui ses rendements s’éroder progressivement sous un double effet : d’une part  le  prix de vente augmente assez fortement car les afflux   de capitaux poussent les investisseurs à acquérir les biens, quel qu’en soit le prix, et d’autre part les loyers sont négociés à la baisse ou accouplés à de longues franchises faisant baisser la rentabilité globale des investissements. Ce phénomène s’observe surtout en France et nous restons convaincus qu’une diversification Européenne est nécessaire sur cette classe d’actifs.

Le placement qui gêne la France.

Les mois se suivent et se ressemblent pour l’assurance-vie. Comme en mars, la collecte nette (c’est-à-dire la différence entre les sommes collectées et les prestations versées) a atteint 2 milliards d’euros en avril, selon les statistiques publiées par l’Association française de l’assurance. Sur  les quatre premiers mois de 2016, le solde est positif     de 9,6 milliards d’euros, soit autant que sur la même période de 2015.

Globalement, les assureurs engrangent autour de 12 milliards d’euros de cotisations par mois depuis le début de l’année (12,2 milliards d’euros en avril).

Cette collecte se fait aujourd’hui à 81% sur le fond en euros et à 19 % sur les supports dits en unités de compte (UC), un niveau voisin de celui de 2015. Depuis 2011,     les lecteurs habituels de ce bulletin savent combien nous conseillons de limiter l’investissement sur le fond Euros pour un certain nombre de raisons : réduction progressive et rapide des rendements, prélèvement sociaux annuels, risque de défaut d’un pays de la Zone Euro, risque de liquidité en cas de défiance des épargnants envers le système financier… Désormais il faut ajouter un nouveau risque : pour les assureurs les fonds euros sont devenus des produits sur lesquels ils perdent de l’argent compte tenu des taux réels négatifs et toute l’industrie pousse à la réduction des fonds en Euros. Les autorités elles-mêmes déclarent qu’il est impératif que les assureurs fassent évoluer leur modèle économique face « au poison » des taux bas .

A fin avril, l’encours global des contrats d’assurance-vie s’élevait à 1.592,3 milliards d’euros ce qui  en  fait  de  très loin le placement préféré des français. Mais il est impératif que les français se séparent progressivement de cette incroyable exception française, qui fait porter un risque sur l’épargne des français mais pollue aussi notre l’économie. En effet, les sommes investies sur le fond en euros sont favorables à l’endettement des états européens (alors que nous avons besoin de le réduire) et c’est autant d’argent non injecté dans l’économie réelle.

Espérons que la chute qui s’annonce brutale des rendements des fonds euros arrive à convaincre les français de sortir de ce poison pour notre économie.

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