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Bulletin N°35 – Juillet-Août 2016

par Cedric Genet

Bulletin N°35 – Juillet-Août 2016

Brèves

Bye Bye !

Le 23 juin 2016 le Royaume-Uni a décidé de quitter la Communauté Européenne après 43 ans en son sein. Passé le choc de la nouvelle, les européens n’ont pas tardé à demander au gouvernement britannique de bien vouloir tenir compte de ce vote, et acter leur départ de la communauté par mise en application de l’article 50 prévu dans les traités. David Cameron a préféré démissionner, et les Britanniques, désormais anxieux devant un avenir isolé et très incertain, ont décidé de prendre leur temps. S’agit-il de prendre du temps pour finalement ne pas tenir compte du vote ou pour mieux se préparer à une récession qui ne fait aucun doute : il est impossible de le savoir à ce stade. Theresa May, la nouvelle résidente du 10 Downing Street, aura la lourde tâche de décider. Elle a fait campagne pour que le Royaume Uni reste dans l’Europe, elle a à cœur de défendre les intérêts du Royaume Uni et elle sait l’intérêt d’un partenariat économique solide avec la communauté : quelles solutions cherchera-t-elle à appliquer ? Rien n’est certain à ce stade.

Les jours qui ont suivi le vote auront prouvé, contrairement à ce que certains annonçaient, qu’une sortie de la communauté européenne aurait des conséquences économiques lourdes et immédiates : la monnaie est descendue à un plus bas historique, une bulle immobilière se prépare à éclater, des entreprises se préparent à déménager, des étrangers à désinvestir… tous ces éléments sont annonciateurs d’une grave récession. Londres a déjà réagi en annonçant une baisse du taux d’impôt sur les sociétés, mais ses marges de manœuvres sont faibles car le taux d’endettement du pays et le déficit budgétaire sont déjà colossaux (bien supérieurs à ceux de la France). Nous savons que le peuple britannique n’en manque pas, mais nous leur souhaitons beaucoup de courage pour affronter les prochaines années.


Les banques en première ligne

L’une des conséquences immédiates du Brexit a été la chute vertigineuse des cours de bourse des banques européennes dans leur ensemble. Evidemment les banques anglaises ont subi un choc d’autant plus lourd, mais l’ensemble du système a été fragilisé. Depuis plusieurs mois, les faibles perspectives bénéficiaires de certaines banques et la baisse continue des taux avaient fragilisé le système en ne permettant pas aux banques de conserver leur rôle de moteur de l’investissement et de la consommation, donc de la croissance. Autres inquiétudes : le niveau de capitalisation des banques italiennes, qui semble bien faible au regard des besoins en cas de choc équivalent à 2008, même si nous en sommes très loin aujourd’hui.

Mais les banques restent soutenues par la Banque Centrale Européenne qui fera tout et même plus pour sauver le système bancaire en cas de nouvelles secousses. C’est pourquoi face à des chutes en bourse de plus de 30% de certaines banques ou compagnies d’assurances solides, comme AXA ou BNP Paribas, il est tentant de vouloir se porter acquéreur de ces valeurs. Il y a fort à parier que, comme en 2000, 2008, ou 2011, certaines banques sortiront encore renforcées de cette situation. C’est pourquoi nous pensons qu’il est intéressant de commencer à investir sur ce secteur, au travers non pas d’achat d’actions qui nous paraissent un investissement périlleux, mais au travers d’une catégorie d’obligations financières, appelées dettes subordonnées bancaires, dont certaines sous-catégories apportent des rendements intéressants. Reste à ne pas se tromper et ne pas investir auprès d’une banque sur laquelle porterait un risque de non-paiement des intérêts ou non remboursement de l’obligation. Pour éviter les écueils, l’une des règles consiste à voir quel est le niveau de respect des dernières règles mise en place par le régulateur suite aux évènements de 2008. Aujourd’hui de nombreuses banques ont dépassé les seuils prévus et le risque de non- paiement est extrêmement faible, mais attention, il subsiste un risque.


Pendant ce temps là…

Félicitons le Portugal venu sur notre sol gagner sa première grande compétition sportive européenne, au nez et à la barbe de nos bleus, pourtant portés par un bel élan populaire, mais qui n’aura pas suffi cette fois-ci. Cet Euro, parfaitement organisé d’après tous les spécialistes, aura été un franc succès économique ; c’est déjà une victoire en soit.

le monde change…

José Manuel Barroso, ancien président de 2004 à 2014 de la Commission Européenne, a été nommé conseiller de la grande banque d’affaires américaine Goldman Sachs. Des américains pragmatiques au point de s’assurer les services d’un parfait connaisseur des rouages européens pour mieux tirer profit des conséquences du Brexit: évidemment !


Perspectives économiques et financières

L’incertitude a franchi un nouveau pas depuis le 23 juin, mais le Brexit a-t-il réellement un impact sur la croissance économique mondiale. La très probable récession de la 5ème puissance économique mondiale ne peut pas passer tout à fait inaperçue. Les premières révisions de croissance font état d’une baisse de 0,2 point de croissance en Europe du fait du Brexit. En soit, c’est donc un impact plutôt limité mais comme la croissance attendue était déjà assez faible, c’est en fait 20% de croissance de moins que les prévisions initiales.

Autres conséquences immédiates, les valeurs refuges ont reçu des afflux de liquidité importants : l’or, le Franc suisse, le dollar mais aussi les obligations d’état. Si vous prêtez de l’argent à l’Allemagne pour 10 ans, cela ne vous rapportera rien, pire même, cela vous coutera 0,15% par an. Pour la France,le gain ne sera que de 0,2% par an. Des taux incroyablement bas, désormais inscrits pour longtemps à ce niveau. La conséquence de ces taux bas est que pour les prochaines années (c’est déjà le cas depuis quelques temps) le seul moyen de trouver du rendement sur les placements sera de prendre des risques : la rémunération sans risque n’existe plus : il va falloir trouver des solutions alternatives. Ce d’autant que les hausses de taux que nous pouvions espérer aux Etats-Unis sont à nouveau retardées par les évènements. Depuis le printemps 2015, chaque trimestre, un évènement économique exogène à l’économie américaine empêche la Fed de relever ses taux. Sachant que les élections américaines se profilent en novembre, il est désormais peu probable que la banque centrale américaine fasse un geste à ce niveau-là avant début 2017. C’est bien dommage, car l’inflation se fait de plus en plus pressante aux Etats-Unis (hors effet matières premières) et il ne faudrait pas que cette inflation vienne casser la croissance américaine qui n’est actuellement soutenue que par la consommation des ménages, qui ralentirait sous une inflation soutenue.

Malgré ces politiques de taux bas, et bien que la consommation des ménages soit aujourd’hui la principale source de croissance dans le monde, les ménages ne consomment pas assez, ne s’endettent pas assez et épargnent trop pour que les politiques menées soient totalement efficaces. De ce fait les rentrées fiscales sont plus faibles que souhaitées et les pays ne parviennent pas à se désendetter assez rapidement, ce qui nous inscrit dans une incapacité à sortir de cette spirale dans laquelle nous nous sommes inscrits après 2008. Désormais ce sont les entreprises qui commencent à éprouver des difficultés à maintenir les marges, surtout aux Etats-Unis, dans un environnement de concurrence féroce et avec des pressions à la hausse des salaires. Enfin les marges de manœuvre des banques centrales s’épuisent et il faudra que les gouvernements prennent le relais pour rassurer les populations dans la difficulté sur leur capacité à réduire les criantes inégalités, générer de l’emploi et de la croissance dans la durée et pour tous : ce défi n’est pas nouveau mais l’urgence est réelle.


Nos convictions

Plus les taux baissent, et plus la question du tout immobilier devient systématique. En effet, il est tentant de s’endetter à 1,5% sur 15 ans pour acquérir des biens immobiliers. Mais la situation du marché français nous laisse penser que ce n’est pas le bon choix. Pour l’immobilier résidentiel, les rendements immobiliers sont assez faibles et diminuent année après année, la fiscalité est clairement confiscatoire et la gestion des biens de plus en plus délicate. Du point de vue de l’immobilier professionnel (bureaux, commerces, logistiques…) les rendements sont meilleurs mais en fortes baisse car les prix des transactions d’envolent depuis trois ans. Cette inflation des prix qui ressemble plus à de la spéculation nous a progressivement éloigné de ce sujet et nous recommandons pour le moment de rester à l’écart des SCPI et autres OPCI en général même si quelques cas particuliers sont intéressants.

Sur le plan de l’immobilier nous préférons investir en actions sur les grandes sociétés foncières cotées en zone Euro (telles que Klepierre ou Unibail pour ne citer que les plus connues) qui ont fait preuve de résistance depuis le début de l’année. Evidemment la diversification reste de mise sur ce type d’investissement, et nous privilégierons l’expertise d’un gérant de fond dédié à ce sujet plutôt que l’investissement en direct.

Si les taux bas nous invitent à ne pas regarder du côté des emprunts d’Etats et des grandes entreprises (à part les banques comme évoqué ci-avant), les investissements dans des entreprises de taille moyenne à petite restent un vecteur de performance. Nous préconisons également des investissements obligataires auprès d’entreprises non cotées qui offrent des performances moyennes de plus de 6%. Ce marché s’est nettement organisé au cours des dernières années et le taux de défaut étant très faible (1,1% en 2015) le niveau de rendement au regard du risque est très pertinent dans le contexte actuel. Il nous permet opportun de privilégier les investissements via les FCPR auprès de sociétés spécialistes du secteur. Ces FCPR ont pour inconvénient d’être peu liquides mais pour avantage d’être peu imposés sur les plus-values.

Sur le marché des actions nous attendons beaucoup de volatilité sur les prochains mois, et du fait d’une incertitude grandissante, nous préférons nous tenir globalement à l’écart pour le moment.

Acheter de l’or dans des périodes d’incertitude a toujours été une bonne idée mais la forte hausse des derniers mois nous laisse penser qu’il est un peu tard maintenant pour se positionner.

Enfin sur le marché des changes, si le Brexit a provoqué une forte chute de la livre sterling il a également relancé la hausse du dollar. Nous maintenons notre préconisation d’acquérir en dollar toutes les positions investies hors zone euro. La tentation d’acquérir également des obligations des pays émergents en monnaies locales est importante mais ces pays nous paraissent trop fragiles monétairement et nous préférons acquérir des positions libellées en dollar même sur des zones comme l’Asie Pacifique.


Focus

Les nouveaux enjeux pour le Royaume-Uni

Avant le 23 juin 2016 la situation économique du Royaume Uni n’était pas si enviable que ça. Certes le pays a une croissance solide et est devenu l’an dernier la 5ème puissance mondiale, prenant ainsi une place à la France, mais cela ne doit pas cacher une situation économique très inégalitaire et fortement teintée de déficit et de dettes. Quelques chiffres de comparaison entre la France et la Royaume Uni en 2015.

France Royaume Uni
Habitants 64 200 000 64 500 000
Revenus par habitant 44 099 $ 38 372 $
Croissance 1,1% 2,2%
Dettes des ménages 61% 91%
Dette Publiques / PIB 97,5% 88,3%
Déficit Budgétaire 3,5% 5,1%

La France est souvent, et à juste titre, décriée pour son niveau d’endettement très élevé, mais la situation globale du Royaume Uni est bien pire et les marges de manœuvres sont donc limitées. La croissance était solidement installée depuis plusieurs années après de gros effort en matière d’attractivité fiscale, mais le Brexit va tout changer. La croissance était soutenue d’une part par les investissements étrangers, notamment dans l’immobilier londonien dont la chute ne fait pas de doute et d’autre part par les activités de la City (10% du PIB) que certaines grandes banques ou sociétés de gestion ont déjà planifié de quitter ou pour le moins ont décidé de fortement réduire leur activité sur place. En effet grand nombre d’entre elle travaillent depuis Londres avec le reste de l’Europe sans accord particulier mais avec le seul passeport européen qui va donc disparaître et elles ne peuvent pas prendre le risque de ne plus commercer avec le reste de l’Europe. Le Royaume Uni a donc deux enjeux essentiels. Le premier consiste à trouver les moyens de ne pas voir fuir les investisseurs étrangers et les entreprises financières, et cela passera obligatoirement par une attractivité fiscale et donc un accroissement des déficits. Le corolaire risque d’être une augmentation des inégalités (malgré les promesses de la nouvelle Premier Ministre) ce qui agacerait un peu plus la population qui a voté pour le Brexit, espérant ainsi une meilleure répartition des richesses du pays. Le second consiste en une négociation de haut niveau avec l’Europe, mais aussi les Etats-Unis et la Chine, pour maintenir des accords commerciaux au moins équivalents à ce dont le pays profitait au sein de la communauté européenne.


La consommation en soutien de la croissance

En Europe et aux Etats-Unis la consommation des ménages est le soutien de la croissance depuis longtemps, mais dans un contexte d’incertitude les gouvernements cherchent à libéraliser encore un peu plus la consommation pour maintenir un niveau de croissance satisfaisant : couverture internet maximisée pour favoriser le développement du e-commerce, ouverture le dimanche, création de zones commerciales de plus en plus gigantesques. La réduction du coût global de l’énergie est en ce sens une très bonne nouvelle, mais il faut constater qu’en 2015 les américains ont dépensé 45% des économies liées à la baisse du pétrole et ils ont donc épargné le solde. En effet, aux Etats-Unis comme en Europe, les comportements ont changé et face aux endettements astronomiques des Etats et à l’incertitude sur les revenus futurs, les consommateurs sont devenus plus prudents et les niveaux de taux d’épargne ont rarement été aussi élevés. En Chine, on sait tout l’enjeu du développement de la consommation de la classe moyenne, qui est censée prendre le relais d’une économie industrielle vieillissante et désormais chère au regard des coûts de production du Vietnam, du Pakistan ou du Bangladesh. Les dépenses du touriste chinois ont augmenté de 75% l’an dernier, que celui-ci voyage dans son pays ou à l’étranger, et le développement du tourisme local est une bonne nouvelle pour la Chine. Les secteurs du loisir et du divertissement sont en plein développement, les chaines d’hôtels bon marché, les parcs à thème, les sociétés de transports se développent à une vitesse vertigineuse. Dans l’économie Japonaise, 60% des hausses des bénéfices ont été enregistrées en 2015 du fait de la hausse de la consommation des ménages. Il faut dire que depuis 18 mois le gouvernement a redoublé d’efforts pour améliorer le pouvoir d’achat de sa population. Ce cercle engagé au Japon est totalement vertueux car les hausses de marge des entreprises sont très majoritairement réinvesties dans des hausses de salaires qui contribuent elles-mêmes à accroître la consommation dans un pays qui ne souffre d‘aucune inflation. L’accompagnement des technologies à ce nouveau déploiement de la société de consommation tient une place significative car la part de marché du e-commerce ne cesse de croitre. Dans les transports et l’hébergement, les réservations par voie électronique représentent près de 80%. Sachant que nous ne sommes qu’au début de cette ère numérique, nous pouvons parier que le thème de la consommation restera clé dans nos préconisations pour encore quelques années.

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