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Bulletin N°33 – Mars-Avril 2016

par Cedric Genet

Bulletin N°33 – Mars-Avril 2016

Brèves

Brexit : pour ou contre ?

Le 23 juin prochain, nos voisins et amis britanniques se prononceront sur leur sortie ou leur maintien au sein de la communauté européenne. Le premier ministre britannique, David Cameron, a lancé sa campagne pour le maintien, mais les partisans de la sortie (dont le maire de Londres) sont nombreux et influents. Sur un plan financier, la Grande Bretagne ne semble avoir  aucun intérêt à quitter la communauté : elle décaisse 19 Milliards de livres par an pour la Communauté Européenne mais encaisse 10 milliards d’aide de ce même budget. Pour continuer à accéder au marché européen, elle devrait, en cas de sortie,  à l’instar de la Norvège ou la Suisse, continuer à financer Bruxelles à hauteur de 3.5 milliards.

Le gain réel serait donc de 5.5 milliards de livres pour la Grande Bretagne c’est-à-dire  à  peine  3% de son déficit 2015 : une goutte d’eau. Par ailleurs, les exportations de la Grande Bretagne vers les pays de la communauté représentent 15% du PIB du pays (environ 425 milliards de livres)  et 3.1 millions d’emplois. Selon la London School of Economics, c’est plus de 3% du PIB que la Grande Bretagne pourrait perdre et notamment une grosse partie de son poumon financier, car une partie de la City serait réimplantée en Europe, probablement à Paris. Ce serait également une perte d’attractivité pour les investisseurs chinois ou américains qui choisissent Londres pour ensuite pénétrer le marché européen. A l’opposé, l’un des grands arguments pour la sortie est de pouvoir sortir des griffes de la régulation et de la lourdeur des règlementations européennes qui gênent énormément un pays aussi libéral que l’Angleterre. Si la logique économique devait l’emporter, nous pourrions être certains d’un maintien de nos voisins dans la Communauté. Mais comme toute élection réserve son lot de surprise et que David Cameron est fragilisé par les déclarations du Panama, il conviendra de rester très attentif à l’évolution des sondages, car un vote pour la sortie provoquerait de violentes secousses sur les marchés financiers.

Le dollar change la donne

Alors qu’il était enfin engagé depuis de nombreux mois sur une douce pente d’appréciation vis-à-vis de l’ensemble des grandes monnaies mondiales, et que personne n’imaginait cette tendance pourvoir s’inverser, le dollar est reparti à la baisse depuis deux mois. Comparé à l’Euro, nous étions les premiers à imaginer que la parité n’était plus très loin et celle-ci après s’être longtemps stabilisé autour de 1.08, est désormais orientée vers un retour à 1.15. Nous sommes  entrés  depuis  la  fin d’année dernière dans un environnement de distorsion monétaire.

La Banque Centrale Américaine avait décidé d’une politique stabilisée alors que les autres grandes banques centrales décidaient dans le même temps d’accélérer vers la voie inverse en créant énormément de masse monétaire. Par conséquent, le dollar  ne  pouvait  que  monter, et la parité de ce fait, baisser. Cependant, l’inverse s’est produit pour deux raisons tout à fait justifiées. Aux US tout d’abord, le choix  de  la Fed de remonter ses taux, même faiblement, en fin d’année dernière, a enclenché un mouvement qui historiquement génère toujours une baisse du dollar. De plus la progression du  crédit  est très forte aux Etats-Unis (+6 à 7% par an) et l’inflation est désormais de retour. Hors matières premières elle est désormais de 2.3% sur un an. Ces éléments pressent le dollar à la baisse. Par rapport à l’Euro, l’inversion de tendance a aussi été accentuée par l’Europe qui a vu sa balance courante devenir très fortement excédentaire (fortes exportations de l’Allemagne mais aussi de l’Espagne et l’Italie) ce qui a pour effet de mettre une pression à la hausse sur la monnaie. Idem   au Japon avec une très forte pression haussière sur le Yen.  Bien  qu’inattendue,  cette  évolution a eu un effet très positif sur la Chine qui de ce  fait n’a pas eu besoin de dévaluer sa monnaie,  ce qui constituait notre plus grande crainte. Le mouvement devrait se poursuivre et une parité euro-dollar de 1.2 à 1.25 est désormais à attendre.

Pendant ce temps là… le monde change

Permettre à des étudiants méritants ou ayant des difficultés financières de financer leurs études par le système de bourses nationales est un acquis indiscutable en France. Mais permettre à ces mêmes étudiants de continuer à bénéficier de ces bourses une fois leurs études terminées ??? La France marche sur la tête ! Déclaration de vos revenus sur Internet obligatoire dès cette année si votre revenu imposable est supérieur à 40 000 € sous peine d’une légère amende de 15€ par imprimé.  La  généralisation  du  dispositif   est prévue pour 2019. Objectif : plusieurs millions d’euros d’économie d’impression et de traitement des imprimés papiers.

Perspectives économiques et financières

Le premier semestre aura été fortement chahuté sur les marchés financiers mais l’économie n’a pas vacillé. Toutes les prévisions de croissance ont été confirmées, voire dépassées en Europe. Les Etats- Unis, pour lesquels un ralentissement de croissance était craint, notamment du fait de la destruction d’emplois dans l’industrie du gaz et pétrole de schiste, ont parfaitement résisté. Les créations d’emplois se maintiennent à un rythme effréné, le taux de chômage étant désormais largement inférieur à ce qu’il était en 2006-2007 et la consommation reste un moteur solide poussé par l’augmentation des crédits et quelques premières hausses de salaires. Pour l’anecdote, le gouverneur de Californie mène campagne depuis quelques jours pour que le salaire minimum soit de 15$ de l’heure en 2020 alors qu’il est de 7.5$ actuellement. Il faudra suivre attentivement l’évolution de cette proposition dont l’adoption ne devrait pas poser de difficultés et qui aura des impacts à long terme sur la croissance américaine. Ce d’autant plus dans un contexte où les taux très bas (trop certainement) seront mis   sous pression avec un retour en force de l’inflation hors matières premières. Cela pourrait décider     ou contraindre la Banque Centrale Américaine à accélérer sa hausse des taux et cela risquerait de couper la vigueur de l’économie américaine.

En Europe, rien ne change mais tout va mieux. Bien que la politique économique des pays de la zone Euro ou de la communauté européenne reste sans direction commune, que les Etats très endettés (France, Italie…) continuent à vivre au-dessus de leur moyen et ne font pas de réforme, et que le problème de la Grèce risque sous peu de refaire surface, les marchés financiers restent convaincus  que le président de la banque centrale, Mario Draghi peut couvrir tous les problèmes. En réalité, il n’y parviendra pas tout seul et ne tiendra pas des années sur ce rythme, mais en attendant, pour les mois à venir, entre un pétrole bas, un euro raisonnablement fort, des taux incroyablement et anormalement bas (lire focus ci-après) et des liquidités surabondantes, la Zone Euro devrait avoir une croissance supérieure aux attentes. Les entreprises en profitent bien car la consommation est soutenue et le crédit repart (enfin). En Europe, en dehors de la Zone Euro, c’est plus compliqué pour le Royaume Uni et  pour la Suisse dont les révisions à la baisse des bénéfices sont assez nombreuses. Evidemment, le risque de sortie de la Grande Bretagne va animer et agiter à nouveau les marchés.

Dans les pays émergents, les cas du Brésil, de la Turquie et de la Russie (lire focus ci-après) semblent très compliqués et ces pays sont au bord de la faillite : le FMI ne devrait plus tarder à se saisir du dossier brésilien. L’Asie  du Sud-Est a présenté d’excellents chiffres en ce début 2016, rassurée par la non-dévaluation chinoise : l’inverse aurait mis une pression trop lourde sur des pays comme la Thaïlande ou la Corée du Sud. Pour la Chine, la transition vers une économie de consommation   interne et le développement de sa classe moyenne reste une ambition difficile et tout au long de l’année les chiffres de croissance sont scrutés à la virgule près par les investisseurs. Le moindre faux pas sera immédiatement sanctionné sur les bourses chinoises.

Nos convictions

Pour les marchés actions des pays développés, en dehors de l’Europe, zone dans laquelle la valorisation des entreprises nous paraît globalement sous-évaluée, nous pensons  qu’il ne faut plus attendre de grand rallye positif sur les marchés actions des Etats-Unis, du Royaume Uni, du Japon. Mais il serait trop simple de limiter les investissements à un choix de zone géographique. Les actions américaines conservent deux atouts de taille : un  marché  boursier  stabilisé  par  des investisseurs de long terme et des dividendes plutôt confortables. En réalisant une bonne sélection de valeur cette zone doit rester dans les portefeuilles.

L’évolution récente des marchés actions en Europe a mis en exergue que le marché actions est coupé en deux : d’un  côté des entreprises surcotées, de l’autre des entreprises sous-cotées. Du coté des secteurs surcotés, on retrouve toutes les valeurs de croissance (luxe, technologies, équipementier automobile, télécoms) et de l’autre toutes les valeurs dites cycliques, c’est-à-dire celle qui doivent bénéficier d’un cycle économique positif et d’une croissance retrouvée. Ces valeurs décotées ont souffert d’une croissance jugée trop molle et pour certaines ont été totalement massacrées en bourse, alors que les résultats sont en nette amélioration. On peut penser qu’il est temps de revenir doucement sur ces valeurs avec un cycle de croissance qui se confirme. Les secteurs de l’industrie, de la construction, de l’automobile ou des banques sont ainsi à privilégier. Le secteur de l’immobilier coté est également un secteur que nous souhaitons renforcer encore en cette année 2016, bénéficiant de la perspective de taux bas sur la durée, les entreprises du secteur deviennent de plus en plus profitables. Le marché des obligations des pays développés reste à surveiller dans l’attente d’une hausse des taux. Nous maintenons notre conseil de privilégier des obligations à sensibilité neutre ou négative pour se protéger de cette future remontée de taux.

Du côté des matières premières, c’est encore une lecture aléatoire. Si le pétrole semble vouloir se stabiliser sur une zone entre 35 et 45  $  le  baril,  il  lui  faudra  encore  6  à  12 mois pour que l’offre se réduise et que son prix monte plus significativement. D’autres matières premières comme le cuivre n’ont pas fini de baisser selon les spécialistes. Il nous paraît trop tôt pour revenir sur ce sujet.

Au niveau des pays émergents, si la zone pacifique reste sans conteste à privilégier à long terme, elle sera probablement encore chahutée ces prochains mois entre réussite ou non de la Chine et évolution rapide ou non des taux américains et donc de la vigueur du dollar.

Reste éventuellement à acheter de l’or : la position que nous conservons en permanence sur les mines d’or nous a été profitable en ce début d’année même si nous jugeons ce mouvement de hausse exagéré (+35%).

Focus

Les taux sont-ils trop bas ?

Le taux d’intérêt à long terme (10 ans) d’un état est censé refléter sa capacité de croissance nominale, c’est-à-dire sa prévision de  croissance  augmentée  de  l’inflation.  Les taux actuels à 10 ans des grands pays développés sont les suivants : Etats-Unis : 1.72%, Japon : -0.10%, Allemagne : 0.09%, Grande Bretagne : 1.36%, France : 0.43%.

A la lecture de ces taux, nous pourrions donc considérer que nous sommes inscrits dans un monde sans croissance et sans inflation. Si cela est vrai pour le Japon, il n’en    est évidemment rien pour le reste du monde et un certain nombre d’éléments le prouve. Aux Etats-Unis, comme évoqué ci-avant, le taux d’inflation hors matières premières s’est établi à 2.3% sur un an, soit proche de la situation de 2006 et 2007, donc avant crise. Le taux de croissance étant actuellement en moyenne de 2% à 2.5% il ne serait donc pas illogique de voir les taux américains proches de 5% comme avant la crise.

Les discours sur l’absence d’inflation dans les pays  développés sont majoritaires et trouvent échos dans la lecture des indicateurs d’inflation négativement affectés par la chute des matières premières. On peut ajouter      à cela des craintes d’un effet déflationniste (baisse des prix généralisés) lié au développement des activités numériques et plus généralement au développement des économies de partage : « Uberisation » de l’économie. Evidemment le comportement des banques centrales est la clé de la remontée des taux, tant en matière d’ampleur qu’en matière de calendrier. Mais avec le constat d’une inflation très présente, les investisseurs pourraient aussi rapidement mettre une grosse pression sur la présidente de la Fed.

Nous pensons effectivement que les taux sont trop bas et ne reflètent pas la réalité, tant aux US qu’en Europe et qu’il ne faudrait pas trop tarder à relever doucement ces taux avant que la machine obligataire ne s’emballe. Un krach obligataire dans le contexte actuel de surendettement des Etats, et avec des banques centrales qui ont tout fait pour relancer la machine économique et n’ont plus de marges de manœuvre, serait extrêmement compliqué à gérer et la tempête serait violente. Nous poursuivons donc notre stratégie de prévision de hausses des taux qui nous coute pour le moment mais nous protège de cette hausse à venir.

Russie en eaux troubles

La récession et l’inflation sont durablement installées en Russie mais les finances publiques tiennent le choc. Si la chute du PIB est de 3.7% en 2015, dans le même temps le déficit public est limité à 2.5% (moins que la France : 3.1%) et la dette publique n’est que de 18% du PIB (presque 100% en France)Cela fait plus de deux ans que la Russie connaît une situation économique troublée. L’invasion de la Crimée en février 2014 avait marqué la rupture des relations diplomatiques russes avec l’Union Européenne, concrétisée par la mise en place d’un embargo commercial. Puis, à partir du milieu de l’année 2014, l’économie russe a été lourdement pénalisée par la chute régulière des prix du pétrole jusqu’en février 2016.

La baisse du rouble face au dollar a permis d’amoindrir l’impact de la chute des prix du pétrole dans les comptes des entreprises russes du secteur pétrolier. En contrepartie de ces effets comptables positifs, la dévaluation du rouble engendre un effritement de la valeur réelle des revenus et de l’épargne des ménages.

Mais la fête est finie : le dollar baisse désormais et la monnaie russe s’apprécie alors que le prix du pétrole semble vouloir se stabiliser autour de 40$ le baril mais aucunement remonter au-delà à court terme.

Le gouvernement a annoncé un programme de privatisations, une hausse de la taxe sur les produits pétroliers et sur l’extraction minière, ainsi qu’une baisse nette des dépenses, mais selon les prévisions, le déficit de cette année devrait s’établir à 4.8%, soit un doublement, intenable pour un pays qui va de plus devoir faire face à un problème de capitalisation de son secteur bancaire. Elle y a fait face en 2015 en vidant une grosse partie    des réserves du fond de richesse national, mais seulement une partie des besoins ont été couverts. De plus pour faire face aux sanctions internationales toujours en vigueur, le gouvernement a financé son déficit avec les réserves du fonds souverains. La situation n’en reste pas moins délicate et cela pourrait provoquer de nouveaux remous dans l’économie russe et donc des secousses sur les marchés émergents, ou pour les pays développés partenaires commerciaux, au premier rang desquels l’Allemagne.

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