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Bulletin n°55 : Septembre – Octobre

par Cedric Genet

Bulletin n°55 : Septembre – Octobre

Money, Money, Money

Un véritable déluge de dette s’abat sur l’économie mondiale.

Au fur et à mesure que les conséquences économiques de la crise sanitaire se dessinaient, les États du monde entier ont revu à la hausse leurs programmes d’émissions d’obligations.

En Europe, chaque pays revoit chaque mois à la hausse ses émissions de dettes.

La France, qui a augmenté son objectif de levée de dette à moyen et long terme à 210 puis 245 et enfin 260 milliards d’euros, passerait presque pour un bon élève.

Les émissions de dettes souveraines des Pays-Bas ont atteint 224 % de leur montant de l’an dernier ; pour l’Allemagne les chiffres montent à 213 %, contre seulement 129 % pour la France.

Au niveau des dix plus gros emprunteurs de la Zone Euro, ce sont 610 milliards d’euros de dette supplémentaire, à court et moyen long terme, qui ont été émis depuis le début de l’année par rapport à la même période de 2019. Un montant colossal qui aurait pu effrayer les investisseurs ou, au moins, créer un phénomène de saturation.

Mais la Banque Centrale Européenne était là. L’institution de Francfort a dégainé un “programme d’achat urgence pandémie” (PEPP) de 1.350 milliards d’euros en plus de son programme classique (PSPP).

Tous les pays de la Zone Euro n’ont toutefois pas bénéficié de l’action de la BCE dans les mêmes proportions, preuve que l’appétit des investisseurs (hors BCE) reste cantonné aux pays dans lesquels on observe un budget solide et maîtrisé. De ce fait,  la BCE a du acheter un montant correspondant à 153 % du surplus d’émissions souveraines de la Belgique, à 129 % de celui de l’Italie et à 116 % de celui de la France, alors qu’elle n’a absorbé que 80 % des obligations supplémentaires émises par l’Allemagne et 37 % de celles des Pays-Bas,

Aux Etats-Unis, le Trésor américain a émis pour 112 milliards de dollars d’obligations au cours de la seule première semaine d’août, un record absolu qui fait froid dans le dos. C’est autant que ce que la France a emprunté au cours des 5 premiers mois de l’année.

Le Trésor américain est passé à la vitesse supérieure après l’annonce du plan de relance début août. C’est un véritable déluge de titres qui va s’abattre sur le marché en 2020.

L’objectif : combler un déficit budgétaire record depuis la Seconde Guerre Mondiale. Le Trésor devra aussi payer les mesures d’aide d’urgence à l’économie prises depuis le début de la crise sanitaire et le futur plan de relance. Les États-Unis entendent bien profiter des conditions extrêmement avantageuses que leur offre le marché. Alors qu’il y a tout juste un an, il évoluait autour de 1,70 %, le taux américain à 10 ans est en effet tombé à 0,50 %: il n’avait jamais été aussi bas.

Partout dans le monde, l’afflux de monnaie déstabilise les équilibres mais ce très fort soutien à l’économie ne sera pas suffisant. Un vaccin est nécessaire.

 


En attente du vaccin !

L’accélération généralisée est la conséquence principale de cet épisode.

Toute l’économie mondiale a les yeux rivés sur les publications des grands laboratoires et autres biotechs dans l’attente de l’annonce de la validation d’un essai clinique qui lancerait la grande campagne du vaccin tant attendu.

Que les informations viennent de Russie, de Chine, d’Europe ou des États-Unis, chaque annonce de résultat favorable d’un essai, quelle que soit la légitimité de la société qui l’a réalisé, est saluée par un rebond des marchés actions.

Mais la réalité est bien plus rude. Si en août les annonces étaient positives, l’annonce de l’OMS de ne pas imaginer un vaccin avant mi-2021 au mieux, a douché les espoirs et a provoqué une forte correction sur les marchés financiers.

En fait, toute l’économie attend un vaccin. Les gouvernements, les Banques Centrales, les entreprises, les travailleurs, tous ceux qui font tourner « la machine économie » sont en attente.

Dans ce contexte, les marchés financiers sont hésitants et perdus face à la situation inédite qu’ils connaissent. La moindre bonne surprise est interprétée comme une résistance à la situation et provoque une hausse importante des marchés actions, qui retombent aussi vite au moindre doute de prolongation de la situation sanitaire chaotique.

Le résultat est que le monde financier est tétanisé. Pas de hausse, pas de réelle baisse, mais une tendance stable, sans conviction.

Plus l’attente sera longue, plus les espoirs seront déçus, plus le risque de baisse significative des marchés actions est réel.

Face à cette incertitude, la conviction que les banques centrales et les gouvernements feront tout pour maintenir l’économie à flot, suffisent à maintenir les marchés actions à un niveau assez élevé.

La complexité est la suivante : rester exposé aux marchés actions c’est prendre le risque de voir le marché fortement baisser en lien avec une situation sanitaire durablement difficile et l’enlisement de la situation économique. A l’inverse, ne pas être exposé, c’est prendre le risque tout aussi important de ne pas bénéficier d’une euphorie généralisée si un vaccin fiable est annoncé.

Une nouvelle fois, la nécessité de gérer vos placements en fonction de votre horizon de temps est primordial. Si vous avez du temps, c’est le moment de prendre des risques.


Pendant ce temps-là :


Comme nous l’avions anticipé, l’accès aux crédits se durcit significativement : hausse du niveau d’apport personnel requis, réduction des durées de financement notamment. Face aux craintes de baisses de revenus, les banques activent tous les leviers pour réduire l’accès aux crédits des particuliers même si les taux restent bas.


Le monde change :

Google, Apple et Amazon sont si puissants qu’ils annoncent publiquement répercuter l’intégralité du coût de la taxe numérique française sur leur prix et les coûts de distribution de leurs produits en France, justifiant cette démarche par le caractère injuste et unilatéral de cette application… Qui d’autre aurait pu oser ?

 


Perspectives économiques et financières :

Évidemment la visibilité reste très limitée dans un contexte sanitaire instable qui ralentit l’économie et réduit le champ de vision des acteurs économiques.

Si les Etats poursuivent les plans de soutien cela ne sert pour l’instant qu’à éviter une débâcle économique et une explosion du chômage et de la précarité.

Nous ne pourrons les voir les conséquences réelles qu’au terme des aides et/ou au moment de rembourser les dettes creusées.

Toutefois les Banques Centrales, qui sont au coeur du jeu, communiquent sur des perspectives de moins en moins sombres.

La Banque Centrale Européenne, bien que gênée par l’appréciation récente de l’Euro par rapport au Dollar, le passage de l’inflation en territoire négatif et la montée du taux de chômage, n’a annoncé aucune nouvelle mesure de politique monétaire considérant que ce qu’elle a fait jusqu’ici suffit. Elle anticipe désormais une contraction du PIB de la Zone Euro un peu moins forte pour 2020 : -8% contre -8,7% dans les projections de juin et un taux de chômage qui se stabiliserait à 8,9% (contre 11,3% dans les prévisions de juin).

Aux Etats-Unis, la priorité est de trouver un accord pour financer le gouvernement et éviter un nouveau Shutdown (cessation de paiement de l’état et arrêt immédiat des activités fédérales) qui pourrait arriver le 30 septembre. En pleine campagne électorale avec deux camps qui s’affrontent violemment, rien n’est moins sûr.

Autre point sous surveillance aux Etats-Unis, l’inflation qui s’approche des 2% et pourrait entraîner une hausse des taux, ce qui serait catastrophique dans le contexte. Mais la Banque Centrale Américaine (la FED) a prévenu que dans le contexte elle n’augmentera pas les taux pour enrayer l’inflation et la laisserai filer si nécessaire.

La campagne électorale américaine reste l’événement important de l’année même si la crise sanitaire l’a reléguée au second plan.

L’élection s’annonce serrée, comme d’habitude, et en fonction du résultat il faudra s’attendre à de fortes tensions sur certains secteurs des marchés financiers. En cas de victoire de Joe Biden, le secteur de la santé ou encore les gros mastodontes de la tech américaines seront mis sous pression.

Pour le moment, aux Etats-Unis, le chômage a atteint 28 millions de personnes et l’économie poursuit son ralentissement semaine après semaine, incapable de se débarasser du Covid 19.

En France, en juillet 2020, la production manufacturière progresse de 4,5% après sa hausse de 14,8% en juin. Mais sur un an elle baisse de 15,3%. C’est toujours dans les matériels de transport que la baisse sur un an est la plus forte : -36,5%, ainsi que dans les industries extractives : -31,7%.

Au Japon le recul sur ces mêmes activités manufacturières est de 16,2% et en Allemagne c’est une baisse de 10% sur un an.

En Chine, l’activité économique reste satisfaisante, les exportations augmentent doucement mais se sont surtout les réserves de change (le fameux trésor de guerre de la Chine) qui ne cessent de grossir : plus de 3160 milliards de dollars à fin août, ce qui accroît encore leur puissance face à des partenaires économiques très affaiblis par le creusement des dettes.

 


Nos convictions

 

Dans un contexte incertain, et qui peut durer, il faut rester agile, mais nous ne pouvons pas être trop prudents. En effet, le volume de liquidités et la force des nombreux plans de relance va soutenir l’économie globalement et, comme vu-ci avant, l’annonce d’un vaccin portera les marchés de manière euphorique et de façon très rapide nous en sommes certains.

Nous restons convaincus que la part des obligations doit rester faible dans les portefeuilles mais nous maintenons :

  • Aucune obligation d’état ou de grandes entreprises européennes ou américaines.
  • l’investissement sur des stratégies d’obligations convertibles européennes ou obligations indexées sur l’inflation.
  • les stratégies obligataires sur les entreprises européennes dites (High-Yield) c’est-à-dire de moyennes à petites tailles avec des maturités de 2 à 4 ans de durée de l’obligation car ces maturités courtes sont moins sensibles à une hausse des taux.
  • Les stratégies obligataires dans les pays émergents libellées en dollar restent notre conviction principale pour dynamiser quelque peu ce compartiment obligataire. Nous intégrons actuellement des obligations émergentes libellées en monnaie local de certains pays : les rendements sont proches de 10%.

Pour les stratégies actions, nous continuons de faire évoluer les portefeuilles selon les choix que nous avons initiés en avril et accentués en juillet :

  • Nous restons à l’écart des actions européennes et américaines dites “Value” c’est-à-dire très sensibles aux cycles économiques telles que la banque, l’automobile et l’industrie en général.
  • Nous renforçons la poche des actions de petites et moyennes entreprises en Europe et surtout en France qui vont être les principales bénéficiaires du plan de relance et bénéficier de plus de la masse de liquidités qui inondent l’économie.
  • Nous poursuivons le renforcement des actions chinoises sur les secteurs de la technologie, de l’assurance et de la consommation poussée par le développement toujours très rapide de la classe moyenne.
  • Nos secteurs de préférence restent la technologie et la disruption des modes de consommation et mode de vie aux Etats-Unis, la santé partout dans le monde et l’hyper luxe en Europe.

Nous avons réduit nos positions sur l’or physique, remplacé par des positions sur les mines d’or.

Nous restons à l’écart de tous les autres pays émergents et des matières premières.

La zone de change Euro-Dollar a beaucoup évolué par l’appréciation de l’Euro.

Ce mouvement est stabilisé mais pourrait se poursuivre et les investissements seraient alors un peu pénalisés à court terme. Nous privilégions des investissements en Euro.

 


Focus 1  : Réduction Madelin « IR/PME » : taux de réduction à 25% enfin en vigueur.

Pour mémoire : afin de « compenser » la suppression du dispositif « ISF / PME », le gouvernement  avait mis en place une hausse temporaire du taux de réduction de l’IR au titre des souscriptions au capital de PME ou des souscriptions de parts de FCPI ou FIP.

Le taux de réduction devait passer de 18% à 25% pour les versements effectués jusqu’au 31 décembre 2018.

Mais cette mesure, s’agissant d’une aide d’Etat aux PME, était conditionnée à l’accord de la Commission Européenne … Or cet accord n’a pas été donné en 2018.

En 2019, le gouvernement a  donc reconduit le dispositif pour les versements effectués en 2019 sous la même réserve à savoir l’obtention de l’accord de la Commission Européenne. Accord qui n’est jamais parvenu à la France en 2019 !

Le gouvernement, qui s’y était engagé, a de nouveau réintroduit cette augmentation de l’avantage fiscal au sein de la Loi de Finance  pour 2020 et miracle, cette fois-ci, la Commission Européenne a donné son accord par une décision du 26/06/2020, notifiée à la France par courrier du 05/08/2020 et publiée au JO de l’Union Européenne du 14 août 2020.

Le décret du 07 août 2020 vient de fixer la date officielle d’entrée en vigueur du taux de 25%.

Ce taux de réduction est applicable à tous les versements effectués entre le 10 août et le 31 décembre 2020.

Ce qu’il faut retenir de ces imbroglios administratifs :

  1.         Seuls les versements au capital initial ou à l’augmentation de capital d’une société opérationnelle ou d’une holding animatrice réalisé entre le 8 août et le 31 décembre 2020 bénéficieront de la réduction à hauteur de 25%.
  2.       Il en va de même pour les versements réalisés au titre de souscriptions de parts de FCPI ou FIP. MAIS, le montant du versement ne sera retenu qu’à proportion du quota d’investissement dans les PME éligibles (70% minimum).
  3.       L’avantage fiscal diminue pour les investissements réalisés sur des FIP Corse ou Outre-Mer.
  4.       Impact déclaration 2021 sur les revenus de 2020 => la date exacte de versement conditionnera le taux de la réduction.

 

Par Damien Cornu


Focus 2  : Indépendants, N’oubliez pas de vérifier votre éventuel crédit d’impôt complémentaire !

Dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source des impôts en 2019, une «année blanche » matérialisée par l’imputation du fameux crédit d’impôt modernisation du recouvrement (CIMR), a été mise en place. Ce CIMR visait à annuler l’imposition sur les revenus non-exceptionnels de 2018.

Des mesures anti-abus ont parallèlement été mises en place, afin d’éviter une hausse opportune des rémunérations cette année là.

Les professions indépendantes, ainsi que les gérants majoritaires et les dirigeants de sociétés percevant des rémunérations de la société qu’ils contrôlent, ont été particulièrement visés par ces mesures anti-abus.

L’administration fiscale a ainsi considéré, par défaut, qu’une rémunération ou qu’un revenu 2018 supérieur aux années précédentes était révélateur d’un comportement abusif.

En conséquence, les contribuables concernés n’ont pu bénéficier totalement du CIMR. Et ce, alors même que la hausse 2018 de leur revenu ne résultait souvent que d’une augmentation « normale » de l’activité.

Afin de corriger cette situation « injuste », l’administration fiscale a donc prévu, pour ces contribuables, la possibilité de percevoir un CIMR complémentaire en 2020, au titre de la liquidation de l’impôt sur les revenus 2019.

Trois situations peuvent permettre de bénéficier de ce crédit d’impôt complémentaire :

  • Votre revenu 2019 est supérieur à celui de 2018 ;
  • Votre revenu 2019 est inférieur à celui de 2018, mais supérieur au plus haut revenu perçu au cours des années 2015, 2016 et 2017 ;
  • Votre hausse exceptionnelle de revenu perçue en 2018 peut s’expliquer par l’exécution d’une commande spéciale, d’une prestation ponctuelle au titre de cette année ou encore d’une évolution d’une politique commerciale.

Si vous êtes gérants majoritaires de SARL, vous devrez faire la démarche de demander ce CIMR complémentaire par voie de réclamation contentieuse en adressant un courrier de contestation à l’administration.

A défaut, vous n’en profiterez pas, alors n’oubliez pas de vérifier !

 

Par Damien Cornu

 

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