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La Carazette des marchés – juillet 2021

par Yohann Derbyshire

La Carazette des marchés – juillet 2021

La Carazette des marchés

Juillet 2021

Canicule sur la saison des résultats 

Le premier semestre 2021 s’achève avec l’arrivée de la saison des résultats et des performances boursières exceptionnelles. Il est usuel pour les investisseurs de comparer les résultats trimestriels des entreprises à ce qu’elles ont réalisé sur la même période l’année précédente. L’exercice de comparaison sera compliqué ce trimestre du fait d’un exercice en 2020 marqué par la crise sanitaire.

Cette saison des résultats peut donc être vue comme une prise de poul de l’économie mondiale dans un contexte de reprise économique.

Les attentes sont donc extrêmement élevées de la part des analystes. Outre-Atlantique, les marchés financiers attendent une progression de plus de 63 % des résultats des 500 plus grandes capitalisations américaines. La récession ayant été plus importante en Europe, la base de comparaison donne des chiffres d’évolution incroyables de 110 % d’attente.

La saison des résultats a commencé comme à son habitude par les valeurs bancaires américaines. Elles ont affiché d’excellent résultats notamment grâce à la libération des réserves qu’elles avaient constituées en temps de crise pour se prémunir de risques de défauts.

Les attentes sont très hétérogènes en fonction des secteurs. A titre d’exemple sur le marché américain*, les plus fortes hausses sont attendues dans les secteurs très cycliques comme : l’industrie (+570.7%), la consommation discrétionnaire (+273%) et l’énergie (+223.5%). Les secteurs très peu cycliques sont attendus en demie teinte car peu impactés durant la crise – on peut noter la contraction des résultats attendus des entreprises dans le service aux collectivités (-1.2%) ou la faible montée, en comparaison, des services défensifs comme la consommation de base (+10.2%).

Cette normalisation des données microéconomiques intervient dans un contexte où les marchés financiers enchaînent des records historiques. Sur le marché américain (S&P500), le ratio du prix des actions sur les bénéfices futurs à 12 mois, appelé communément le Price Earning Ratio, est de 21.4 x contre une moyenne de 18.1x sur les 5 dernières années. Ce ratio est régulièrement utilisé par les investisseurs pour se donner une idée de la “cherté” des marchés actions, on peut le définir comme le nombre d’années de bénéfices d’une société qu’un investisseur doit débourser pour acheter une action d’une société cotée.

Il faut néanmoins prendre de la hauteur sur ces niveaux de valorisation élevés.  Ils se présentent dans un environnement de taux et de soutien budgétaire de la part des Etats inédits; deux éléments en faveur d’une augmentation des valorisations.

Cette saison des résultats sera donc celle de la normalisation des effets de base et des attentes élevées. Toute déception pourrait être sanctionnée fortement, d’autant plus dans une période estivale où les volumes boursiers sont faibles et favorables à la volatilité. Même si nous restons confiant dans la capacité des entreprises à afficher, voir même dépasser, des niveaux records de croissance des résultats; nous commençons progressivement à réduire notre exposition aux marchés actions à cause des valorisations qui deviennent de plus en plus tendues.

*attentes sur le S&P 500

 

Fiscalité internationale : vers une plus grande justice fiscale

La recherche d’une convergence fiscale entre les États n’est pas un sujet nouveau. Depuis une dizaine d’années, L’OCDE et l’Union Européenne* travaillent à la définition de règles communes tendant à l’harmonisation du taux et de la base taxable.

On remarque une volonté de plus en plus forte de rechercher une justice fiscale qui passe notamment par la taxation des géants du numérique.  La France a été moteur sur ce sujet avec la taxe sur les services numériques (Taxe GAFA) qui a eu comme conséquence des représailles de l’ancien président américain, Donald Trump. C’est ainsi que le nouveau président américain Joe Biden a créé la surprise en relançant le sujet. Son pari : limiter les délocalisations des multinationales américaines.

Le sujet est d’autant plus crucial pour les États, que le bilan de la crise a alourdi considérablement leur dette, pendant que certaines entreprises continuent à payer peu d’impôt.**

C’est dans ce contexte que 131 pays de l’OCDE sur 139, puis les membres du G20, ont conclu un accord prévoyant un taux d’imposition minimum de 15%, un premier niveau bien loin des intentions premières du gouvernement Biden de 21%.

L’accord marque un changement structurel après plusieurs années où les politiques des pays étaient plutôt orientées vers des fiscalités avantageuses dans le but d’inciter les entreprises à s’installer dans les pays.

Même si cette décision est historique, ce chantier reste encore à être travaillé. En effet, il reste à déterminer le niveau minimum d’imposition (pour aller au-delà des 15%) et comment sera répartie, entre les États, l’assiette taxable de chaque société. Plusieurs obstacles seront présents dans les prochains mois: aux États-Unis notamment où il faudra faire valider cette avancée par un congrès majoritairement républicain et potentiellement peu enclin à ce changement. Plus proche de chez nous, il faudra aussi persuader les pays réfractaires comme l’Irlande (taux de 12.5%) et la Hongrie (taux de 9.5%) qui ne veulent pas perdre de leur attractivité fiscale.

 

Dans les contours de la réglementation actuelle, l’impact devrait être limité car certains secteurs sont déjà taxés au-dessus du minimum de 15% (généralement les secteurs qui utilisent beaucoup de capitaux pour réaliser leur activité comme l’industrie).

Pour les autres secteurs, comme celui du numérique, qui profitent déjà de taux d’imposition faibles grâce au caractère facilement délocalisable de leur activité, ils pourraient être théoriquement plus impactés par cette nouvelle mesure. Cependant, l’assiette de calcul réduit fortement l’impact de cette mesure pour ces entreprises : ce taux minimum de 15% s’appliquerait seulement à 20% des bénéfices dépassant 10% de marge.

Il restera néanmoins important de surveiller les évolutions de ce projet de réforme fiscale afin d’en évaluer son réel impact sur les entreprises et donc les marchés financiers.

* Base Erosion and Profits shifting https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/ / ACCIS
**d’après une étude de l’Itep (Institute on Taxation and Economic Policy) 55 des plus grandes entreprises américaines n’ont même pas payé d’impôt en 2020 bien qu’elles aient réalisé des bénéfices.)

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