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Bulletin n°52 : Novembre-Décembre 2019

par Cedric Genet

Bulletin n°52 : Novembre-Décembre 2019

 

« Le Fonds en Euros Roi est terminé »

 

C’est la déclaration de Jean Laurent Granier, Président France de Generali, qui estime dans une interview que la gestion des fonds en euros entre en « terrain inconnu », que « le modèle de la garantie du capital est à bout de souffle » et qu’il est urgent de revoir le modèle. Il termine par cette phrase : « les clients n’ont plus intérêt à placer leur épargne sur le fond euro ».

Je partage totalement ce discours, et le fait qu’il soit prononcé par le président d’un des principaux acteurs de l’épargne en France est une véritable bombe dans notre landerneau.

Les autres assureurs n’ont pas traîné pour lui emboîter le pas. Chacun à sa façon, ils mettent en place un ensemble de règles pour limiter l’accès au fonds euros : d’un montant plafonné, à des frais d’entrée en passant par des contraintes de volume en unités de compte, tout est bon pour en réduire l’accès.

Enfin, ils réagissent, ayant compris que la politique des banques centrales nous engage durablement dans une situation de taux bas, voir négatifs.

Cette réaction, bien que tardive, est salutaire pour 3 raisons :

  • Le fonds en euros devient un centre de coûts pour des assureurs qui sont contraints de réaliser des augmentations de capital pour augmenter leurs fonds propres.
  • Les rendements vont s’effondrer et le risque d’un retrait massif n’est pas exclu : il ne faudra pas être les derniers à vouloir retirer ses placements du fonds en euros dans une telle situation.
  • La garantie en capital devient difficilement tenable et le risque d’une application du dispositif de la Loi Sapin 2, ayant pour objet de réduire les retraits des contrats d’assurance-vie français, serait devenu une fatalité si les assureurs n’avaient pas réagi.

Le Roi est mort, Vive le Roi ! Ce serait si simple de remplacer le fonds en euros d’un coup de baguette magique. Il faut rappeler ici que ce placement à capital garanti est une anomalie et qu’il n’existe que dans un seul et unique pays, le nôtre.

La culture française, très attachée à l’investissement dans la pierre, opère d’ores et déjà un virage vers les supports immobiliers à travers SCPI, OPCI, et autres supports dont le sous-jacent est immobilier.

C’est un mouvement naturel logique mais qui a aussi ses contraintes et ses dangers : ce sont des placements moins liquides, dont les rendements sont plus élevés mais ont également tendance à baisser et ce sont, pour beaucoup, de merveilleuses machines à cash pour leur promoteur : attention à bien choisir au sein de ces placements.

La vraie solution pour sortir du fonds en euros est de diversifier et d’utiliser toutes les classes d’actifs qui s’offrent à nous, comme le fait le reste du monde depuis toujours, n’ayant jamais eu la joie de bénéficier d’un produit équivalent au fonds en euros.


Taux négatifs : un total changement de paradigme

Les taux négatifs n’ont pas seulement des conséquences sur le fond en Euro et le modèle économique des assureurs.

La BCE est passée en septembre à une politique monétaire encore plus expansionniste : baisse du taux d’intérêt des dépôts bancaires (largement négatif) et confirmation de la réouverture du Quantitative Easing (achats d’obligations d’États et d’entreprises par la BCE).

Conséquence de ces décisions, les taux d’intérêt à long terme de la zone euro ont beaucoup reculé pour devenir nettement négatifs, notamment en Allemagne (-0,7% à 10 ans) et en France (-0,3% à 10 ans).

La BCE peut se permettre de mener cette politique monétaire ultra expansionniste notamment parce que l’inflation de la zone euro reste faible : 1%. Cette inflation faible est stabilisée par un environnement concurrentiel très fort qui limite la possibilité pour les entreprises d’augmenter leur prix, quitte à ne pas répercuter les hausses de coût de production dans leur prix final, et réduire doucement leurs marges. Une des conséquences négatives de l’environnement low-cost dans lequel nous évoluons et dans lequel le consommateur semble confortable.

Mais la BCE intervient aussi par peur. Elle ne veut aucunement prendre le risque d’une crise financière équivalente à 2008 et pire pour elle une crise monétaire et de dettes d’états équivalente à 2011. Alors, par anticipation, elle sécurise cela par d’incroyables achats d’obligations, ce qui laisse à penser qu’elle n’aura d’autre choix que la poursuite et l’amplification de la politique de taux d’intérêt bas, avec le ralentissement de la croissance et l’absence d’inflation.

Parmi les effets positifs, il y a évidemment le fait que, avec des taux d’intérêt nuls ou négatifs, tous les agents économiques (États, entreprises, ménages), même très endettés, sont solvables. Or une récession, une crise financière, vient toujours de la perte de la solvabilité par un groupe d’agents économiques qui doit ensuite réduire ses dépenses (les entreprises en 2000, les ménages en 2008, les pays périphériques de la zone euro en 2011). Avec des taux d’intérêt nuls et négatifs, tout le monde est solvable, et le pari des banques centrales est qu’il peut y avoir ralentissement cyclique mais pas récession.

Mais les effets négatifs sont bien plus nombreux. Les taux d’intérêt négatifs affaiblissent les banques (le rendement des fonds propres des banques de la zone euro n’est que de 5% en 2019, contre 15% en 2007), ils menacent l’assurance-vie, ils constituent un appauvrissement des épargnants, ils maintiennent en vie des entreprises inefficaces, ils poussent l’épargne vers des risques inappropriés et ils favorisent l’apparition de bulles, notamment sur les actifs les moins liquides, ce qu’on voit déjà sur les prix de l’immobilier.

La marche arrière est désormais impossible. L’épargnant doit donc revoir sa copie.


Pendant ce temps-là :

A Wall Street, les grands indices sont tous à leur plus haut niveau historique.  L’indice S&P 500, le Dow Jones et le Nasdaq ont tous les 3 dépassé leur plus haut niveau historique en ce mois de novembre 2019. En France, il faudrait que le CAC 40 progresse encore de 15% pour atteindre son niveau record qui date du 4 septembre 2000. Un gouffre !


Le monde change :

Le mouvement Movember est né en 2003 et soutient la lutte contre les maladies masculines. Sa cause : les hommes meurent plus tôt que les femmes et ce n’est pas une fatalité. Chez CARAT CAPITAL nous soutenons cette cause : les 7 hommes ont fait pousser leurs moustaches (symbole du mouvement) soutenus par les 11 femmes de l’équipe et nous réaliserons fin novembre un don dans le cadre de la recherche contre les cancers qui frappent les hommes.


Perspectives économiques et financières

La progression actuelle des marchés financiers n’est pas seulement due à la politique accommodante des banques centrales et à l’injection de liquidités. Comme nous venons de le voir cela a un effet positif sur la valorisation des actifs réels. Cependant les raisons de la hausse des marchés actions est ailleurs.

Ce sont d’abord les bonnes nouvelles politiques qui favorisent ces hausses. Les tensions sino-américaines s’apaisent et si rien n’est jamais acquis avec le président américain actuel, la signature d’un accord n’a jamais été aussi proche. Cet accord est favorisé par les premiers résultats de la politique américaine qui se révèle plus pénalisante pour les américains que pour les chinois.

En Europe la plupart des tensions se sont apaisées : le Royaume-Uni semble s’acheminer vers un soft Brexit en janvier et l’Espagne a un nouveau gouvernement de coalition pro-européen.

Autre bonne nouvelle, si le ralentissement de la croissance mondiale se confirme, les entreprises parviennent encore à faire croître leurs bénéfices et à générer des résultats supérieurs aux attentes.

Tout est donc orienté pour une hausse du marché des actions à court terme.

Ces bonnes nouvelles viennent à point rassurer des investisseurs qui commençaient à s’inquiéter de signaux économiques désignant un début de ralentissement.

Au Japon, c’est le PIB du 3ème trimestre qui a fortement déçu n’affichant que 0,1% de progression.

Aux États-Unis les indicateurs de confiance sont stabilisés à un niveau relativement bas, les indicateurs de productivité sont en baisse, l’inflation ralentit encore et les inscriptions au chômage commencent à augmenter.

Au Royaume-Uni, l’inflation baisse très fortement et la consommation ralentit très fortement : un très mauvais engrenage pour les entreprises.

En Zone Euro, la croissance est stable à 1,2% en rythme annuel. La France ralentit à nouveau et l’Allemagne est proche de la récession (+0,1% de croissance).

Enfin en Chine, c’est la hausse des prix alimentaires qui surprend (+10%) mais les autres indicateurs sont stables exceptés la croissance qui ralentit à 5,5% par an, impactée par la guerre commerciale.


Nos convictions

Comme mentionné lors du précédent bulletin, l’injection nouvelle de liquidités dans l’économie et l’amélioration des conditions de financements des banques bénéficient aux actifs réels et aux entreprises très consommatrices de liquidités pour leur développement :  luxe, technologie, immobilier coté, matières précieuses sont à privilégier. Mais de nombreux secteurs délaissés ces derniers mois reprennent des couleurs : télécoms, banques et industries minières doivent reprendre leur place.

  • Pour les stratégies obligataires, la généralisation des politiques accommodantes avait redonné des couleurs à certaines stratégies, comme les obligations d’États américains ou les obligations émergentes. Ces dernières conservent un attrait (sous réserve d’être libellées en dollars) nous estimons nécessaires de stopper toutes les autres stratégies obligataires pour le moment.
  • Nous renforçons les stratégies actions et nous préconisons une exposition globale mais en privilégiant les secteurs comme suit :
    • Maintien de l’exposition des actions qui bénéficient du développement de la consommation interne chinoise.
    • Au sein des actions technologiques américaines : privilégier les actions de supports technologiques (éditeurs de logiciels, fabricants de composant électroniques…) et réduire les actions s’appuyant exclusivement sur la rupture technologique.
    • Pour les actions européennes : repositionner les secteurs de la banque, de l’industrie et des télécoms pour profiter de leur très faible valorisation.
    • Globalement le maintien des taux bas et des bénéfices des entreprises plaide pour un maintien des positions actions. Les marchés devraient poursuivre leur ascension vers de nouveaux points plus hauts mais les niveaux de certaines valeurs sont élevés et il faut rester attentif notamment sur le luxe.

Les positions sur l’or et les métaux précieux en général restent nécessaires dans un portefeuille.

 


Focus 1 

Le PER, l’épargne retraite fait sa mue

La Loi PACTE promulguée le 22 mai dernier entraîne une réforme en profondeur de l’épargne retraite et de ses 200 milliards d’euros actuels que le gouvernement souhaite porter à 300 milliards d’encours en 2022.

Les objectifs de cette réforme sont multiples :

  • Encourager l’épargne salariale pour tous,
  • Simplifier la mise en place, la gestion et la transférabilité des dispositifs d’épargne retraite,
  • Offrir une meilleure perspective de rendement en orientant l’épargne vers le financement des entreprises PME-ETI.

La Loi PACTE a créé un nouveau placement, le Plan d’Épargne Retraite (PER), dont la mise en œuvre est effective depuis 1er octobre, même si l’offre de produits est encore très restreinte.

Structure d’un PER 

Le PER est une enveloppe composée de deux compartiments :

Le PER individuel (successeur du PERP et du Madelin) accessible à tous par le biais d’une souscription individuelle, prend la forme d’un contrat de placement assurantiel ou d’un compte titres.

Le PER entreprise est lui-même divisé en deux sous-enveloppes :

  • PER collectif (ex PERCO) : ce placement est alimenté par l’intéressement, la participation, la conversion des droits CET (Compte Épargne Temps)
  • PER catégoriel (ex article 83) : ce placement est alimenté par les cotisations obligatoires versées par l’employeur.

Il sera possible, sous condition, de transférer les anciens dispositifs retraite vers le nouveau PER.

Modalités et fiscalité à l’entrée

Les versements volontaires sur le PER collectif ou individuel, pourront être déduits du revenu imposable selon un plafond individuel. Cependant il est possible de renoncer à cette déductibilité afin de profiter d’une fiscalité plus favorable à la retraite.

Les versements effectués par l’employeur ne seront pas déductibles mais seront exonérés d’impôt sur le revenu.

Modalités et fiscalité à la sortie

Pour les versements volontaires ou de l’épargne salariale, la sortie pourra se faire en capital, en rente viagère ou la combinaison des deux.

Si la sortie se fait en rente viagère, le barème fiscal dédié aux rentes viagères se verra appliqué.

Si la sortie se fait en capital, la fiscalité est plus complexe. Elle dépend du type de versements volontaires ou obligatoires, versements ayant bénéficié d’une réduction d’impôt ou non, …

Les modalités d’application de la fiscalité sur les PER devrait être fixées dans la loi de finances 2020, votée en décembre 2019.

Enfin, la sortie anticipée est possible pour l’achat d’une résidence principale ou en cas d’accidents de la vie.

Sort des anciens contrats

Les anciens produits épargne retraite ne seront plus commercialisés après le 1er octobre 2020 ; cependant ils pourront être alimentés après cette date.

La loi PACTE permet également la transformation des anciens plans au sein d’un PER dans un seul et même établissement.

Nous sommes convaincus que le PER apportera effectivement beaucoup de simplicité à terme, mais la transformation est complexe et doit s’étudier au cas par cas.

 

Focus 2 

Pourquoi les entreprises boudent la Bourse ?

On appelle « Public to private » une opération par laquelle une société cotée en bourse décide de sortir de la bourse et cette opération est très souvent utilisée.

En effet, les entreprises quittent la Bourse. Plus de 8 000 entreprises étaient cotées aux États-Unis en 1996 et moins de 4 500 le sont aujourd’hui. On assiste au même phénomène en Europe.

Si l’introduction de la Française des Jeux devait être un immense succès, ce ne sera pas significatif, car l’Europe enregistrera cette année sa pire année en nombre de nouvelles introductions en Bourse.

Autres phénomènes remarquables, quand elles restent cotées, les entreprises rachètent leurs propres actions à tour de bras. En 2018, les entreprises du S&P 500 ont racheté pour  plus de 1.000 milliards de dollars de leurs propres actions. Cette année, en 10 mois, Apple a déjà racheté 75 milliards de dollars de ses propres actions, Microsoft 40 milliards, Bank of America 30,9 milliards et JPMorgan Chase 29,4 milliards.

La relance du programme d’achat d’actifs de la BCE devrait inciter encore davantage les entreprises à opter pour le financement obligataire plutôt que de lever des capitaux en Bourse.

C’est bien cela qui a fortement changé la donne car la fonction première d’une introduction en Bourse est de donner les moyens à une entreprise d’accéder à une source de financement supplémentaire et abondante.

Seulement voilà, depuis 2008, les banques centrales ont multiplié les politiques expansionnistes et les injections de liquidités. Le crédit est devenu facile d’accès et la Bourse est beaucoup moins attractive.

En résulte, depuis quelques années, une véritable contraction du marché des actions cotées – les anglo-saxons parlent de « de-equitization ». Les entreprises se tournent beaucoup plus volontiers vers le private equity. Les capitaux levés et non investis dans l’univers du non coté sont d’ailleurs considérables. Ils dépasseraient aujourd’hui les 2.000 milliards de dollars, parmi lesquels 60 % destinés au seul capital-investissement.

Le remplacement des actions cotées par les actions non cotées -private equity, entreprises familiales- apparaît comme une évidence, d’autant que les entreprises sont découragées par les cours boursiers ne représentant pas correctement leur valeur fondamentale.

La hausse des prix et donc la baisse des rendements, générée par les programmes de Quantitative Easing se transmet automatiquement à l’ensemble des marchés de dette, incitant les emprunteurs à profiter de coûts d’emprunt extrêmement avantageux. Depuis début 2014, le marché de la dette en euro dédiée aux entreprises notées en catégorie dite « d’investissement à haut rendement » a gonflé de 75 %. Et rien qu’en 2019, il a crû de 10 %, de 2.100 milliards à 2.400 milliards d’euros.

L’écart entre le coût des actions et celui de la dette est au plus haut depuis 100 ans et dans ces conditions, un retour en grâce des actions semble compromis et les entreprises cotées devraient être toujours moins nombreuses.

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