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La Carazette des marchés – Juin 2023

par Yohann Derbyshire

La Carazette des marchés – Juin 2023

La Carazette des marchés

Juin 2023

Livret A : que se cache t’il derrière vos économies ?

Le livret A, créé en 1818, est un compte d’épargne populaire en France lancé par le banquier Pierre Roger Ducos et aligné sur les idées de l’époque napoléonienne. Il permet aux particuliers de déposer leur argent en toute sécurité et de gagner des intérêts. Aujourd’hui, c’est le produit financier préféré des ménages français. 73% en possèdent un, contre 40% pour l’assurance vie. La disponibilité et la simplicité en sont les principaux facteurs d’attrait. Le taux de ce livret s’établit à 3% suite à une remontée historique de 2% en un an. Exception française, ce placement, non imposable, cumule 370 Milliards d’euros à la fin d’année 2022. Les fonds sont à 60% centralisés au sein de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le reste (40%) est géré par les banques.

La CDC a pour mission principale de financer les logements sociaux et les politiques urbaines en accordant des prêts indexés sur le taux du livret A, avec un faible taux de commissionnement. Cela permet aux bénéficiaires de se financer à des coûts nettement inférieurs à ceux proposés par les banques. Cependant, les bailleurs sociaux expriment leur inquiétude face aux hausses successives et significatives du taux du livret A, qui affectent le taux auquel la CDC leur prête de l’argent. L’augmentation des coûts des prêts, combinée à l’inflation qui touche particulièrement le secteur de la construction, pourrait à moyen terme compromettre les projets de construction et de rénovation de logements sociaux.

Par ailleurs, il est envisagé que la CDC, si la volonté présidentielle se confirme, contribue au financement des EPR, la nouvelle génération de centrales nucléaires. Cette utilisation des fonds du livret A pourrait alléger la pression sur la dette de l’État français, dans la continuité de la réforme des retraites engagée en début d’année 2023.

Les banques, qui détiennent le reste du livret A, sont tenues d’allouer une partie de ces fonds à des prêts à taux fixes pour soutenir les PME (80%), les projets durables (10%) et les acteurs de l’économie sociale et solidaire (5%). Les 5% restants peuvent être gérés librement par la banque, mais elles sont tenues de faire preuve d’une transparence totale en ce qui concerne les investissements réalisés.

Les dépôts dans les banques représentent un coût financier, car la plupart des prêts accordés aux PME ont été contractés avant 2022 avec des taux bas, proches de 0%. Pour compenser la différence entre le taux du livret A et les rendements obtenus grâce aux prêts aux PME, les banques doivent puiser dans leurs propres ressources. En 2022, le groupe BPCE a enregistré une perte de revenus de 700 millions d’euros à cet égard. Selon JP Morgan, une augmentation du taux du livret A de 3% à 3,25% pourrait coûter plus de 200 millions d’euros au Crédit Agricole et à la Société Générale. Ces pertes de revenus pourraient se compenser par l’augmentation des taux des prêts à la consommation et des prêts immobiliers. La banque de France n’a pas acté de hausse initialement prévue début mai et celle d’août semble compromise, ce statu quo pourrait permettre aux acteurs dépendant du livret A d’absorber le passage rapide à un taux de 3% sur les 2 dernières années.

Malgré la remontée du taux du livret A, celui-ci a plusieurs limites. Son plafond de versement à 22 950€ et son taux de rendement qui bien qu’attractif reste inférieur à l’inflation. Une alternative sans risque pour des montants plus importants peut être l’ouverture d’un compte à terme (CAT) auprès d’une banque. À la différence du livret A, celui-ci n’a pas de plafond.


Indices : des outils de lecture erronés

Les banques centrales combattent l’inflation depuis le début 2022 et la crise bancaire qui a touché l’Europe et les États-Unis en mars et avril 2023. Les indices boursiers des deux régions affichent cependant d’excellentes performances en ce début d’année 2023.

Les grandes capitalisations technologiques américaines, comme Meta, Alphabet, Apple, Amazon, Tesla, et Nvidia ont stimulé la hausse des indices boursiers. Ainsi, l’indice américain S&P 500 a augmenté de 10% grâce à leurs performances en 2023. Ces actions ont réalisé une performance moyenne de 44% depuis le début d’années. Sans ces actions le S&P 500 aurait réalisé une performance de 1% pour la même période. Cette propulsion des Big Tech résulte de la révolution engagée par l’IA en 2023, et d’un rebond suite à une mauvaise année 2022. Ce scénario est également favorisé par leur statut de valeurs de croissance très apprécié lorsque des craintes de récession apparaissent.

En France, le CAC40 n’est pas mené par les valeurs technologiques mais en partie par le luxe. Ce secteur a mené le CAC40 grâce à Hermès (+35%) LVMH et l’Oréal (+25% chacun) dans un contexte de réouverture de la Chine. Mais d’autres valeurs ont aussi contribué à la cadence, à l’image de Crédit Agricole et Saint-Gobain (+20% chacun), ainsi que Sanofi, Vinci et Air Liquide (+12% chacun).

Normalement, les indices boursiers aident un investisseur à avoir une idée de la performance moyenne des valeurs d’un indice. Cette année, celle-ci peut être trompeuse car les actions à forte pondération ont une plus grande influence sur sa performance. La réplication avec des poids équipondérés évite cette incidence. Ainsi, la performance du S&P 500 pour le premier semestre 2023 est à nuancer, car elle se concentre sur les 10 plus grosses capitalisations. Ces évolutions contribuent à l’essor d’indice boursier toujours plus concentré vers les plus grandes capitalisations boursières. L’essor de la gestion passive, via des ETFs (trackers), se voit donc de moins en moins diversifié.

* données au 23 mai 2023


Tempête sur les prix du jus d’orange

La Bourse de Chicago, fondée en 1848, est la plus ancienne bourse des produits dérivés et des matières premières aux États-Unis. Initialement axée sur les prix des grains, elle est devenue le principal marché d’échange au niveau mondial pour les contrats à terme sur les produits agricoles. Au fil du temps, elle s’est étendue aux métaux, à l’énergie mais reste souvent méconnue. Malgré sa complexité et la présence limitée d’acteurs, cette bourse joue un rôle crucial dans la détermination des prix des biens de consommation courante.

On trouve trois acteurs principaux sur les marchés des contrats à terme.

Le premier est le vendeur de matière première. C’est celui qui émet le contrat à terme lui permettant de vendre en avance sa production future qu’il livrera à une date et à un lieu prédéfinis. Grâce à ce principe, le vendeur peut se constituer une trésorerie et minimise les aléas liés à une vente en direct.

Le deuxième acteur est l’acheteur de matière première. Celui-ci achète en avance pour se couvrir des aléas météorologiques qui pourraient influencer les prix des produits. Cela permet d’avoir une vision claire sur les stocks qu’il aura.

Enfin, le spéculateur achète et revend le contrat avant son échéance, sans avoir l’intention de prendre possession de la matière première. Son but est de réaliser des gains en exploitant les fluctuations de prix sur le marché. Pour cela, il spécule en fonction de ses convictions géographiques, météorologiques, géopolitiques et concernant l’évolution des demandes du produit en question.

Depuis le XIXème siècle, les avancées technologiques ont permis l’accélération des données et de la communication. Aujourd’hui des satellites et des drones permettent d’obtenir des données météorologiques précises et des photos des exploitations détaillées. Ceux qui sont capables de trouver, d’exploiter et d’utiliser ces informations ont un net avantage.

Par exemple, les ouragans de septembre dernier ont entraîné une baisse significative de la production d’oranges en Floride, ce qui a suscité l’intérêt des traders pour le jus d’orange. Le cours a connu une forte hausse, enregistrant une progression de +43% en fin d’année, avant de revenir à +31% avril 2023 grâce à un hiver favorable. Certains traders se sont placés en amont des ouragans pariant sur une raréfaction du jus d’orange dû à la diminution de la production de l’agrume.

Le jus d’orange au petit-déjeuner coûtera plus cher, mais heureusement, avec la baisse récente des prix du pétrole, le trajet pour l’acheter coûtera bientôt moins cher. Moins de jus, plus d’essence !

Auteurs des articles : Patrick Brosset et Yohann Derbyshire.

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