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La Carazette des marchés – Février 2024

par Yohann Derbyshire

La Carazette des marchés – Février 2024

La Carazette des marchés

Février 2024

Label ISR 2.0 : Vers une redéfinition des normes de l’investissement responsable

Par Camille Magdelaine et Yohann Derbyshire

Le 12 décembre dernier, des modifications importantes ont été apportées aux critères d’attribution du label ISR, marquant ainsi la première révision significative depuis sa création en 2016. Rappelons que ce label, établi par le Ministère de l’Économie et des Finances, vise à certifier le caractère socialement responsable d’un investissement selon les critères ESG (Environnement, Social et Gouvernance), grâce à une certification gouvernementale. Ce label concerne depuis 2020 aussi bien les fonds alternatifs et  immobiliers que les fonds en actions et/ou en obligations. Chaque société de gestion doit pouvoir démontrer la rigueur de son analyse ESG, évaluer l’impact environnemental de ses investissements et se soumettre à des contrôles réguliers. Ce label est devenu un élément crucial dans les décisions d’investissement et dans l’orientation des flux financiers. Actuellement, il concerne 1 200 fonds et représente 800 millions d’euros d’encours, soit plus de 10% des encours en France.

Historiquement, ce label repose sur le principe de Best in Class, qui consiste à prendre en considération les meilleures entreprises de chaque secteur sans exclure les secteurs jugés problématiques. Cette approche a soulevé des interrogations, notamment de la part de l’inspection générale des finances, quant à la crédibilité et à la pertinence du label.

La nouvelle version du label, promue par Bruno Le Maire, vise à remédier à cet aspect : les fonds ne pourront plus être labellisés s’ils comportent des sociétés opérant dans le secteur des hydrocarbures, c’est-à-dire des entreprises produisant du charbon, du pétrole et du gaz. Les entreprises lançant de nouveaux projets de recherche dans les énergies fossiles seront également exclues. Seules les entreprises respectant une intensité carbone conforme aux objectifs des Accords de Paris bénéficieront d’une exception. De plus, une stratégie de transition devra être mise en place pour réduire les émissions de gaz à effet de serre des entreprises concernées et à partir du 1er janvier 2026, 15 % du portefeuille d’investissement devront détailler un plan précis en ce sens. Par ailleurs, les fonds seront désormais tenus d’exclure de leur univers d’investissement 30% des entreprises les moins bien notées en termes ESG, contre 20 % auparavant.

Ces nouvelles règles entreront en vigueur le 1er mars prochain et constituent un enjeu majeur : la nouvelle version vise à renforcer sa pertinence et à élever le niveau d’exigence des critères d’attribution, témoignant ainsi d’une prise de position politique forte en faveur du climat. Ces mesures auront probablement un impact sur les grands groupes énergétiques tels que Total Énergie, Neste Corp ou encore Eni, qui ne seront plus éligibles au financement du label ISR. Concernant les fonds existants : 45% des fonds labellisés sont exposés au secteur de l’énergie traditionnelle selon Morningstar et cela représente près de 10% des encours de ces fonds.  

Au-delà de la dimension éthique de la mise en place de ce label, il est important de rappeler que durabilité n’est pas incompatible avec performance, bien au contraire. En 2015, le constat était clair : la grande majorité (90%) des études publiées depuis 1970 indiquent que les stratégies responsables n’ont aucun impact négatif sur la performance. En 2020, une étude a même révélé que les fonds labellisés ISR affichaient une performance supérieure au marché dans toutes les catégories d’actifs : 62 % de ces fonds ont surperformé le marché cette année-là. En effet, en raison de leur biais sectoriel, les fonds durables ont tendance à avoir une surpondération dans des secteurs ayant enregistré de bonnes performances récemment, tels que les technologies ou la santé. Par ailleurs, selon une étude de l’AMF publiée en mai 2021, les entreprises attentives à leur responsabilité sociale, sociétale et environnementale seraient également considérées comme « plus efficaces et mieux gérées ».


L’année du dragon en Chine est-elle gage de rebond ? Point sur la situation actuelle

Par Camille Magdelaine et Yohann Derbyshire

Depuis 2021 de nombreux investisseurs restent déçus par les rendements du marché chinois, qui se montrent nettement inférieurs au reste du marché, et ce malgré son historique de performances attrayantes en 2019 et 2020. La Chine, deuxième économie mondiale, représente près d’un quart de l’indice des marchés émergents. Cependant, plusieurs facteurs ont entraîné une fuite des investisseurs étrangers ces derniers temps : les tensions croissantes avec les États-Unis, le ralentissement économique, la crise sur le marché immobilier, les mesures gouvernementales prises à l’encontre des entreprises privées…

Si on constate une baisse de l’indice de plus de 40% (pour le CSI 300) depuis son pic en 2021 et des niveaux de valorisation attractifs (multiple cours/bénéfice d’environ 10 fois, en dessous de la moyenne historique), la situation économique en Chine reste hésitante.

Les prix continuent de baisser depuis juillet dernier, (-0,8% sur l’indice des prix à la consommation en janvier), marquant le cinquième mois consécutif de déclin et le rythme de baisse le plus rapide depuis le second semestre de 2009, période de crise financière mondiale. Bien que la baisse des prix puisse sembler avantageuse pour le pouvoir d’achat, la déflation représente en réalité une menace pour l’économie : les consommateurs ont tendance à différer leurs achats dans l’espoir de nouvelles baisses de prix à venir. Cette attente réduit la demande, ce qui contraint les entreprises à réduire leur production et à consentir à des réductions de prix supplémentaires pour écouler leurs stocks. Certains économistes estiment néanmoins qu’il est encore prématuré de parler d’une spirale déflationniste pour la zone.

Malgré la levée des restrictions liées à la Covid-19 en Chine, les résultats escomptés n’ont pas été atteints. Le PIB a enregistré une croissance de 5,2 % en 2023, mais il s’agit là d’une des plus faibles progressions des dernières décennies. Cette performance décevante est attribuée à une crise immobilière persistante, à un manque de confiance des ménages et à une diminution des exportations, qui ont reculé de -4.6% pour la première fois depuis 2016. La crise immobilière s’est aggravée depuis la chute du promoteur Evergrande en 2021, alors que l’immobilier a pendant longtemps contribué à environ 30% du PIB chinois et à 20% des emplois (vs une part de l’immobilier dans le PIB aux alentours de 13% pour les Etats-Unis et 11% en Europe ; le secteur emploie près de 10% de la population active en France). A titre d’illustration, près de 70% de la richesse des ménages chinois est liée à l’immobilier. Le pays est également confronté à une faible consommation et à un chômage élevé (14,9% des jeunes actifs). En raison de ces éléments, le Fonds Monétaire International a récemment révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour la Chine, anticipant un PIB à 4,6 % pour cette année et à 3,5 % d’ici 2028.

Le pays fait face à une crise de confiance de la part des investisseurs, ce qui justifie en plus des raisons mentionnées ci-dessous qu’il est selon nous trop tôt pour se tourner de nouveau vers cette zone. Il faut attendre des catalyseurs clairs et des signes de reprise confirmée :  Pékin a dévoilé, au cours des derniers mois, plusieurs mesures ciblées et a lancé une émission significative d’obligations souveraines afin de dynamiser les dépenses d’infrastructure et de raviver l’économie. Cependant, les retombées de ces initiatives se sont avérées mitigées, avec un seul passage en territoire positif de l’indice PMI (qui mesure le niveau d’activité des entreprises dans le secteur manufacturier) au cours des neuf derniers mois. 

En dehors des répercussions de la crise sanitaire, la Chine est confrontée à des défis structurels qui entravent la pérennité de sa croissance. Parmi ceux-ci, on compte le fort endettement des entreprises, le ralentissement de la croissance de la productivité, ainsi que la diminution et le vieillissement de la population. En effet, le pays a enregistré une baisse de 2,75 millions de personnes l’année dernière, soulignant ainsi les défis démographiques auxquels il doit faire face.

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